Trouver un sens à sa vie.

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Je m’aventure dans cet article sur un sujet philosophique, existentiel.

La plupart des gens qui liront celui-ci le taxeront de pessimiste, dépressif, badant. Il est vrai que j’ai toujours aimé écrire avec cynisme.

En une phrase, j’ai presque 30 ans et je cherche un sens à la vie.

En effet, les jours passent et se ressemblent.

Été, voyages, fiestas. Automne, hiver, printemps.

Les week-ends se succèdent, bien et moins bien, les succès, les échecs, les rendez-vous foireux, les mauvais plans, les déceptions, les soirées endiablées. Et ainsi de suite.

Les jours passent et se ressemblent…

Si on résume les choses, quelles sont les étapes de la vie?

On passe son bac. On choisit une orientation. On entre à la fac, en école de commerce, d’ingénieur etc. Premier chez-soi sans papa-maman. Le pied. On part en échange au bout du monde.

On fait la fête, on sort, on couche avec des gens dont on ne se souviendra plus. On brise des coeurs. On se fait briser le cœur. Premier amour qui dure 2,3,4 ans. Parfois plus.

Et puis premier boulot. Vie active, qui rime avec déception pour la plupart. Deuxième boulot. CDI. Vacances. Sorties. Et ainsi défilent les jours. A 27 ans, j’ai commencé à me poser énormément de questions existentielles.

Et après? Alors c’est ça? C’est quoi la suite? Où est l’étincelle?

Si 7 ans est l’âge de raison, alors 27 est l’âge de la désillusion.

Désillusion parce qu’on prend conscience que certains rêves ne se réaliseront jamais. Désillusion parce qu’on est assez jeune pour être déraisonnable mais devenu trop vieux pour être irresponsable. Désillusion parce qu’on passe notre journée devant un tableau Excel, à envoyer des pièces jointes et qu’on doit faire semblant d’en être satisfait. Désillusion parce que le temps file et que la société nous pétrit de ses diktats. Trouve un CDI avant 30 ans. Maque toi avec un mec sérieux avant 30 ans. Marie-toi avant 30 ans. Achète un bien avant 30 ans. Vite, vite, pond un mioche. Dépêche-toi. Et tu seras un bon petit soldat. Amen.

Désillusion, parce qu’à 27–28 ans, le monde se divise en deux catégories de personnes: en couple et célibataires.

Les personnes en couple ont leur ligne directrice toute tracée: mariage, achat immobilier, bébé.

Projet 1: mariage. Préparation: 1 an à avoir l’esprit bien occupé.

Projet 2: achat d’un appartement Préparation: 4 mois à piaffer d’impatience, 6 mois à s’atteler à la déco.

Projet 3: mettre bébé Number one en route. Préparation: de 1 mois à 3 ans de conception. 9 mois à piaffer d’impatience. 18 ans à avoir l’esprit et l’emploi du temps bien occupés.

Projet 4: mettre bébé Number two en route. Préparation: cf. levez les yeux.

Ils s’engagent donc scrupuleusement sur un long sentier bien balisé qui leur permet de traverser beaucoup d’années sans se poser trop de questions.

Les personnes qui sont seules, comme moi, doivent faire face au vide infinitésimal. Tourmentées par la vacuité des journées qui s’égrènent, insensées, par le vertige du futur incertain. Jusqu’à la mort.

J’ai 27 ans, et je n’ai plus de projets. J’ai fini mes études. J’ai trouvé un job. Je « fit » parfaitement dans la petite case pour laquelle j’ai été formatée. Je suis célibataire.

Quelle est la next step? Que devrais-je faire pour donner du sens à ma vie? En attendant…En attendant quoi?

Les célibataires qui n’ont plus de projets essayent de s’occuper pour faire face au néant redoutable des années à venir.

Viser un poste de direction. Passer un concours réputé. Lancer une Start-up. Acheter un appartement et le retaper. Faire le tour du monde en backpackeur. Écrire un livre. Écumer inlassablement les sites de rencontre pour trouver quelqu’un. Faire une retraite dans un temple bouddhiste. Partir en mission humanitaire.

Vivre loin de la société de consommation.

Ou au contraire. S’enivrer de frivolités: faire la fête. Vivre de sensations fortes. De nuits folles. De vertiges délicieux. De plaisirs instantanés. S’abrutir de paradis artificiels. De bonnes bouffes. D’orgasmes. Se procurer le dernier iPhone. Les dernières sneakers à la mode made in Paris 10. La dernière tablette. Juste pour avoir le sentiment d’exister, pour une seconde. La satiété. Jusqu’au prochain achat compulsif, jusqu’au prochain rush d’adrénaline, jusqu’au prochain projet accompli, achevé. Et ainsi de suite.

Alors, quelle idée pourrais-je bien trouver pour combler l’ennui des jours qui passent et se ressemblent? Jusqu’à mes 30 ans, mes 40 ans, mes 50 ans… mes 60 ans.

Est ce que fonder une famille est la voie royale? Avoir des enfants, les voir grandir. Puis attendre les petits enfants. Est-ce cela qui donnerait du sens à chaque jour et viendrait chasser les fantômes de mes tourments existentialistes? On retombe donc sur le passe-temps suivant: « écumer inlassablement les sites de rencontre pour se trouver quelqu’un » énoncé 3 paragraphes plus haut.

J’ai 29 ans, je n’ai plus de projets. Alors j’attends. J’attends l’étincelle, le rebondissement. J’attends que quelque chose se passe. J’attends le déclic.

Parce qu’on passe notre vie à attendre. On attend une soirée. On attend un voyage. On attend le week end. On attend les vacances. On attend une promotion. On attend l’amour. On attend le bonheur et quand on le trouve, on balise qu’il nous file entre les doigts. On passe notre vie à attendre et un beau jour, on crève.

Quand on réalise cela, on a envie d’essayer de vivre vraiment l’instant présent, à l’épicurienne, c’est à dire, de ne plus se soucier du lendemain.

J’ai fait une expérience de trois mois avec la devise suivante: vis chaque jour comme si tu pouvais mourir demain. J’ai passé la moitié de ma vie à me fixer des objectifs. Lorsque je ne les atteignais pas malgré mes efforts, je me retrouvais frustrée, triste. Alors j’ai décidé de ne plus rien attendre et de cesser de viser la lune. J’ai vécu à 100 à l’heure, sans me poser de questions.

Je me suis amusée, mais au bout du compte, j’ai surtout fini par m’abrutir: je me suis perdue dans les affres de la nuit, des soirées arrosées, des petits matins où le soleil fait apparaître les teints hâves, les sales gueules de lendemain de fête. J’ai fini alcoolique mondaine, ruinée après avoir dilapidé une partie de mes économies pour des conneries -boites de nuit, restos, verres, tournées, fringues inutiles, sorties stériles- et terrassée par une fatigue se conjuguant à un désespoir existentiel toujours plus lancinant.

Mais j’ai appris une chose: une somme de petits plaisirs ne permet pas d’apercevoir la cime du bonheur. J’ai appris la différence entre sérotonine et dopamine.

Alors, que faire pour que chaque jour ne se ressemble pas?

Pour vivre l’instant présent tout en étant raisonnable, pour mieux appréhender l’avenir?

Je n’ai pourtant pas de difficulté à kiffer certains moments.

J’aime manger. Vibrer sur de la bonne musique. Danser. J’aime l’odeur iodée de la mer. La clameur des vagues qui s’écrasent majestueusement sur la roche. Le doux murmure d’une forêt. Pleurer devant un film bouleversant. Passer mes mains dans la fourrure d’un adorable chat. Être emmitouflée dans ma couette pendant qu’un orage gronde au dehors. J’aime la sensation indicible d’un décollage en avion et j’aime regarder le ciel à perte de vue par le hublot. J’aime courir sur les quais de Seine, marcher dans Paris la nuit. Lire un bon bouquin. J’aime par dessus-tout les mots. J’aime écrire et corriger un texte, inlassablement. Je me réjouis d’un dîner entre potes, de boire un bon verre de vin, d’un super concert, d’une soirée folle, d’une grasse matinée, d’un voyage à venir. De retrouvailles. D’une étreinte.

J’aime rêver de l’avenir.

Est ce que c’est ça, vivre au présent?

Comment inscrire ces petits moments dans la durée? Leur donner un sens à l’échelle d’une vie?

S’il faut vivre au jour le jour, comment peut-on le concilier avec l’avenir? Doit-on, à minima, se projeter à court terme pour se donner une raison d’avancer et trouver ce qui fait que chaque jour est palpitant?

Est ce que cette chose est en fait une personne? Un partenaire? Un ami?

Une passion? La nature? La promesse d’un voyage? Un coucher de soleil sur la mer?

Suis-je la seule à me poser ce genre de questions?

Je n’ai pas encore trouvé la réponse. Mais j’y travaille et je suis ouverte au débat. »

6 commentaires

  • Salut toi,

    Tu en es à un moment de ta vie où tu souhaites être aimée pour de vrai, pour ce que tu n’as pas, pour ce que tu n’es pas et ce dont tu manques (définition de l’amour selon Platon) mais malheureusement, il n’existe pas de solution miracle. Tout tient en une rencontre fortuite.

    « Comment inscrire ces petits moments dans la durée? Leur donner un sens à l’échelle d’une vie ? »
    En les partageant avec quelqu’un qu’on aime et avec qui on a envie de les partager surtout, mais tu avais déjà la réponse n’est-ce pas ?

    « S’il faut vivre au jour le jour, comment peut-on le concilier avec l’avenir ? Doit-on, à minima, se projeter à court terme pour se donner une raison d’avancer et trouver ce qui fait que chaque jour est palpitant ? »
    Il n’y a pas d’avenir, ou plutôt il n’y en a plus. Le réchauffement climatique provoquera l’effondrement de nos sociétés modernes et industrielles d’ici 2050 il paraît. Certaines femmes refusent même de faire des enfants en pensant qu’ils ne pourront pas vivre décemment. Il y aura entre 150 millions à 1 milliard de réfugiés climatiques à cause de la montée du niveau de la mer…
    Dis-toi que chaque jour est palpitant puisque ce sont les derniers de l’humanité. Toutes les personnes qui ne seront pas autonomes en eau courante ou en permaculture dans les décennies à venir vivront des jours bien sombres.
    Désolé de ne pas t’apporter les réponses que tu espérais. 🙂

    Est ce que cette chose est en fait une personne ? Un partenaire ? Un ami ?
    Envoi-moi une photo de cette « chose » et je serai en mesure de te répondre.

    Une passion ? La nature ? La promesse d’un voyage ? Un coucher de soleil sur la mer ?
    La multiplication de rencontres par l’acquisition de nouvelles capacités, savoir-faire, compétences… apprendre une nouvelle langue. Dans tous les cas, je te souhaite de faire une belle rencontre !

    PS : j’ai jamais été doué pour remonter le moral. :/

    • Haha je n’ai pas besoin d’avoir le moral remonté mais merci ! C’était juste une réflexion intéressante que peut-être d’autres gens partagent 🙂

  • Coucou Hanna,

    Content de te voir prendre le clavier sur ce genre de sujet, et plus simplement de te voir prendre le temps d’écrire. ^^

    Es-tu la seule à te poser ce genre de questions ? Il me semble que non, mais j’ai cru voir que nous ne le faisons pas tous de la même manière, ni au même moment. Est-ce que tout le monde se pose ce genre de questions ? Ce n’est pas ce que j’ai vu, je suis donc très content que tu te les poses !

    Est-ce que c’est ça vivre au présent? Si tu aimes « rêver de l’avenir » ou si tu cherches à « inscrire ces petits moments dans la durée », tu n’es plus dans le présent. Tu cherches à « mieux appréhender l’avenir », ce qui est différent.

    Tu dis aimer rêver de l’avenir, mais à travers ce que je lis, cet avenir semble lié à un ennui, à un désespoir des jours qui passent et se ressemblent. Tu as remarqué par toi-même qu’en vivant à 100 à l’heure, ce désespoir ne disparaît pas bien au contraire.

    Je souhaite t’offrir un regard extérieur par rapport à certaines questions que tu as posées, et que j’interprète comme un signal de verrous en place :

    « Que faire pour que chaque jour ne se ressemble pas ? ». Pourquoi faire? Que se passe-t-il s’ils se ressemblent?

    « Comment inscrire ces petits moments dans la durée? Leur donner un sens à l’échelle d’une vie ? » Pour quoi faire? Si tu cherches à leur donner un sens à l’échelle d’une vie, ce ne sont plus des petits moments. 🙂

    « S’il faut vivre au jour le jour… ». Pourquoi le faudrait-il? Qui t’oblige?
    Dire « Si je préfère vivre au jour le jour parce que je veux [insère ce que tu veux ici], comment peut-on le concilier avec l’avenir ? » te permet de poser des questions et de réaliser les choses avec une autre énergie que dire « S’il faut vivre au jour le jour, comment peut-on le concilier avec l’avenir ? ».

    « Doit-on… ». Qu’importe la question, non. Rien ne t’oblige à faire quoi que ce soit. 🙂

    Bonne continuation dans ta quête précieuse Hanna.

  • Bonjour et merci Hanna d’avoir mis des mots sur ce que je ressens exactement à cet instant de ma vie. Et pourtant, j’ai 40 ans, 2 enfants, divorcée et… Plus de projets. Dois je attendre à nouveau l’amour pour retrouver la force d’en avoir ? Je ne sais pas. Je me dis que je dois les faire par moi même, et j’ai réalisé bien des choses seule dont je suis très fière. Mais là, depuis 2 ans, et malgré qq histoires sérieuses qui n’ont pas duré, je suis bloquée. Impossible d’avancer davantage. Ça reviendra, me dis je, alors j’attends, peut être aussi celui qui redonnera un sens à ma vie. Tu vois, c’est pas qu’a 30 ans qu’on a besoin de sens…
    Au plaisir de te lire 🙂

    • Bonjour Miz ! Merci pour ce commentaire qui fait plaisir !

      Et en même temps qui m’attriste car tu dis ne pas trouver le sens de ta vie.
      C’est une très bonne question de savoir si c’est l’amour à nouveau qui donnera du sens à chaque journée.

      Ou peut-être un nouveau projet ? Une nouvelle activité dans laquelle tu t’épanouirais ? Une nouvelle passion ? Es-tu heureuse dans ta vie pro ? As-tu laissé des rêves de jeunesse de côté ? As-tu une passion que tu n’as plus le temps de pratiquer ?

      Après, ce qui me désole c’est qu’on est (et je m’inclus aussi dedans) toujours dans une logique de projets et donc de futur. Comme s’il fallait meubler le temps et l’espace avec des objectifs pour que notre vie ait du sens. Je pense que c’est aussi la société capitaliste, notre modèle économique de pays occidental qui veut ça : nous vivons un peu dans une société de désirs. Le désir, finalement n’est pas si éloigné du projet : « Pour être heureux, il me faut un bon boulot, puis un mariage, des enfants, une carrière, de beaux vêtements et bla bla… » et ainsi de suite, on suit tous un peu ce schéma-là, mais quand on a tout, on réalise qu’il manque encore quelque chose.

      Cela me rappelle un passage du livre Hell, de Lolita Pille qui dit : « On se fixe des objectifs factices. On passe notre vie à essayer de les atteindre. Soit on y arrive pas et on reste frustré pour l’éternité. Soit on y parvient et on réalise qu’on s’en fout ». Et ainsi de suite.
      Pour info, j’ai trouvé l’amour, mais je cherche toujours le sens de ma vie. Une quête sans fin. 😉

Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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