Prude ou sex-tapeuse aguerrie ?

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Protagoniste : Raphaël

Date : Février 2020

Les apps de rencontre : Happn versus Adopteunmec

Avoir fait faire en février des photos de moi par un professionnel m’avait permis d’améliorer réellement mon profil en ligne sur Happn, et cela avait eu un effet non négligeable sur l’attractivité de ce dernier. Mais je ne perdais pas de vue que tout cela n’avait pour but que de trouver la bonne personne et pas des plans d’un soir, même si je n’ai jamais été particulièrement orienté vers cette recherche.

​À cette époque, j’étais assez déçu des rencontres que je faisais via cette application, beaucoup de crushs pour pas assez de rencontres réelles.

​C’est donc pour débloquer la situation que j’ai créé un compte sur Adopteunmec.


Julie, 33 ans : Adopetunmec

​Je finis par tomber sur un profil tout simple, celui d’une jolie blonde de 33 ans, domiciliée à Houdan, dans les Yvelines. 1,70m, pulpeuse, petit sourire mutin, look classique et photos peu nombreuses et pas vulgaires, ça s’annonçait plutôt bien sur le papier.

​Qui plus est, elle se présentait comme féminine (ce que confirmaient ses photos), réservée (ce que confirmait la sobriété de son annonce), et plutôt réfractaire aux sites de rencontres mais présente ici pour forcer le destin…

​Nous parlons de nos passions (la photo pour elle, la cuisine pour moi), échangeons sur nos goûts musicaux, rappelons nos valeurs et attentes respectives, et une vraie complicité s’installe. Nous nous disons au revoir tardivement et promettons de reprendre le lendemain soir nos échanges passionnés.

​Le lendemain, la discussion se poursuit avec la même ferveur, et Julie me fait comprendre régulièrement et subtilement que je lui plais.

​Je la trouve humble, drôle, curieuse et très altruiste, et comme je suis plutôt de gauche et moi-même issu d’un milieu modeste, je suis très réceptif à ce cocktail. Je lui demande ce qu’elle écoute à ce moment-là, et elle répond qu’elle va bientôt se coucher et qu’elle écoute Clair de Lune de Debussy avant de se coucher. Je lui envoie un smiley amusé, et elle me demande pourquoi ça me fait rire, ce à quoi je lui dis que si elle m’envoie son numéro de téléphone, elle le saura.

​Se prêtant au jeu, elle me donne ledit numéro avec un clin d’œil et je lui envoie un fichier audio. Curieuse, elle l’ouvre et l’écoute : c’est Clair de Lune, de Debussy, que je viens de lui jouer au piano, en ajoutant à la fin du morceau que je lui souhaite de faire de beaux rêves. Elle fond et me remercie avec force smileys affectueux devant cette petite attention.

​Lors de la discussion suivante, émerge la possibilité de se voir.


Le rendez-vous

Alors que j’arrive sur le lieu de rendez-vous, elle me salue. Je ne suis pas déçu.

​Elle a effectivement l’air un peu timide, mais pas coincée du tout, et je sens qu’elle est aussi excitée que moi par notre première rencontre. Restant proche de moi, elle m’entraine vers une rue proche où se bousculent quelques lieux de sortie, et notamment un bar à vins assez chic et prometteur où nous nous arrêtons. Elle m’explique avec un grand sourire que c’est la première fois qu’elle s’y rend et qu’elle espère que l’endroit sera à la hauteur.

​Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’apprécie le fait qu’elle ne m’ait pas emmené dans une gargote insipide. Elle me plaît autant que je l’avais imaginé. Nous prenons du vin et commençons à discuter, l’ambiance est propice à la désinhibition et nous nous livrons des choses plus intimes de notre passé, elle me dévore des yeux tout le long de la soirée et les verres s’enchainent.

​Au bout d’un moment, je lui demande si elle veut manger quelque chose, et nous réalisons en riant qu’il ne reste plus que nous dans le bar et que nous discutons déjà depuis cinq heures, minuit approchant. Elle me demande alors si je suis tenté par des sushis, et je lui demande où elle compte en trouver à cette heure-là. Elle me répond alors en souriant qu’elle en a dans son frigo, et mon cœur s’emballe.

​Je lui avoue que ce serait avec plaisir, et nous sortons l’un contre l’autre du bar avant de nous diriger vers sa maison, de bonne humeur. Elle me fait alors visiter son domicile, qu’elle a entièrement refait, décoré et meublé avec une touche toute personnelle, et je note avec plaisir qu’elle a vraiment du goût pour cela et que cet appartement dénote beaucoup de personnalité.

​Nous mangeons nos sushis du bout des lèvres, plus occupés à nous dévisager en souriant. Je ne tarde pas à la prendre dans mes bras, et je sens un petit frisson de plaisir parcourir sa nuque, mais elle me dit alors que je lui plais beaucoup mais qu’elle n’est pas du genre à embrasser quelqu’un le premier soir, et encore moins à coucher avec.

​Nous nous quittons donc avec chaleur, et elle me sert dans ses bras avec beaucoup plus que de l’affection, ce qui me rassure quant à ses intentions futures. Elle me raccompagne jusqu’à ma voiture, et nous nous promettons de nous revoir bientôt.


Distance soudaine

Je pars en vacances le lendemain comme prévu, et nous échangeons effectivement pendant 5-6 messages par jour sur WhastApp avec la même complicité qu’auparavant. Elle se montre même très enthousiaste à l’idée de venir manger chez moi à la rentrée un plat que je lui aurai préparé pour une soirée romantique.

​Puis… plus rien. Il me reste encore deux jours à passer à Mulhouse avant de rentrer de vacances, et le lundi, après avoir repris le boulot, je lui envoie un message en lui demandant si tout va bien car je m’étonne qu’elle ne se soit pas manifestée du week-end. Je lui demande donc si on peut s’appeler le soir car j’ai l’impression que quelque chose a changé de son côté dans sa façon de communiquer.

​Vers 23h, je reçois un message sur WhatsApp, dans lequel Julie me dit qu’elle est désolée, qu’elle a pas mal de problèmes à régler dans sa vie et qu’elle n’a en fait pas le temps pour une histoire. Elle m’explique qu’elle s’en est rendu compte récemment seulement et que comme elle ne veut pas me faire souffrir, qu’elle préfère donc s’arrêter là.

​Très déçu, je lui réponds néanmoins que je redoutais quelque chose de ce genre (je suis très perceptif) et que je respecte sa décision, même si j’aurais bien sûr préféré poursuivre cette relation car elle me plaisait vraiment beaucoup. Je lui souhaite également bon courage pour la suite et de trouver le bonheur, ce à quoi elle me répond que je suis vraiment quelqu’un de bien. Je suis dégoûté, amer et blasé par le déroulement des choses.

​L’histoire n’aurait rien de remarquable si elle s’arrêtait là. Le vendredi soir de la même semaine, 4 jours après cette « rupture » par sms, je noie mon dépit dans l’alcool avec mes amis lors d’une petite fête chez une copine.


Une vidéo surprenante

Nous avons déjà pas mal entamé le repas et l’ambiance va bon train lorsque le vibreur de mon smartphone retentit : je viens de recevoir un message de Julie. Intrigué, je vois qu’il s’agit d’un contenu vidéo, et le consulte. Interdit, je découvre alors que c’est une sextape, dans laquelle elle se masturbe avec un gode pendant plusieurs minutes, le tout en guêpière et porte-jarretelles.

​Le sang afflue à mon visage – entre autres – et je reste sans voix. Je regarde autour de moi, ma réaction est passée inaperçue de mes amis, et je vais donc m’isoler aux toilettes pour réfléchir à ce qui est en train de se passer. Mi-excité, mi-consterné, je me dis que Julie a peut être changé d’avis au sujet de notre relation, et qu’elle est peut être finalement plus coquine que ce que je pensais, mais comme je suis loin d’être prude, que cette vidéo m’a plutôt excité et qu’elle dit à la fin de la vidéo que ce n’est qu’un avant-goût de ce qui m’attend, je me dis qu’il s’agit clairement d’une invitation et qu’elle n’a simplement pas pris la forme que j’attendais. Jouant le jeu, je lui envoie donc que je ne m’attendais pas du tout à ça, mais que je viendrais la rejoindre sur le moment si je pouvais.


Douche froide

Aucune réponse, mais je vois bien que mes messages sont arrivés. Le lendemain, je lui envoie un message le midi pour savoir quand elle prévoit que l’on se revoie. Et là, je reçois une réponse :

​« Dsl, c’était une erreur. »

​Totalement interdit, je constate qu’elle vient de me bloquer. Je ne comprends rien. Les choses se bousculent dans ma tête, je n’arrive pas à relier les éléments entre eux, je repense au fait que Julie se présentait comme une fille réservée, timide, qu’elle n’a pas voulu que l’on s’embrasse et encore moins que l’on couche ensemble alors que tout s’y prêtait et qu’elle en avait sans doute en plus envie, à ce message d’excuse envoyé en guise de rupture… et je me dis que rien ne me permet même de savoir si lorsqu’elle parle d’erreur, elle veut dire qu’elle avait voulu envoyer cette sextape à quelqu’un d’autre, ou qu’elle avait bien voulu me l’envoyer mais l’avait regretté après coup.

​Mon intuition me fait pencher pour la première possibilité, celle qu’elle avait finalement préféré se tourner vers des coups d’un soir pour se rassurer sur son pouvoir de séduction et ne pas commencer une vraie relation avec les responsabilités que cela implique.

​Mais qui se trompe de destinataire en envoyant une sextape sur WhatsApp, et justement en l’envoyant à un prétendant rencontré quelques jours plus tôt avec qui l’on a bien failli coucher ?

​Dévasté, je me sens sali par cette expérience, comme si Julie m’avait trompé alors que nous n’avions aucun engagement l’un vis-à-vis de l’autre.

​Je peste contre ma propre naïveté. Le fait qu’elle m’ait fait entrer aussi loin dans son intimité, avec un tel naturel, qu’elle m’ait vendu du rêve, avant de me ramener aussi brutalement et vulgairement à la réalité détestable de baisodrome des sites de rencontre, a atteint profondément mon petit cœur idéaliste de romantique invétéré.

​Amer, dans l’incapacité de savoir la vérité puisque bloqué, et me rappelant que je sais où elle habite, je décide de lui écrire une lettre dans laquelle je couche toutes mes émotions et lui rappelle qu’elle m’avait précisément dit qu’elle méprisait la vulgarité des gens qui s’étalaient sexuellement sur les sites de rencontres comme Adopteunmec, et qu’elle ne supportait pas la duplicité et l’irresponsabilité dans les relations.

Je n’ai jamais eu de réponse de Julie.


Le ressenti de Raphaël

​Ma principale difficulté avec les sites de rencontres est que j’ai toujours l’impression de tomber sur des femmes qui jouent avec moi, ont un discours et une attitude incohérents et me font, au final, perdre mon temps et souffrir inutilement.

​Je ne sais jamais si ce sont des personnes qui ne sont pas prêtes à vivre en couple (ce qui expliquerait pourquoi elles sont seules) ou si c’est juste moi qui ne leur donne pas assez envie de continuer ou leur fais peur (impossible à vérifier, même si je penche pour la première hypothèse, par lucidité plus que par orgueil, comme j’aime le croire).

​Pour moi, lorsqu’on est vraiment attiré par quelqu’un et qu’on a envie d’y aller, on ne fait pas mariner ridiculement l’autre de cette façon et on tente quelque chose, physiquement ou tout au moins par une attitude enthousiaste et des témoignages d’affection continus jusqu’à ce qu’on soit prêt à aller plus loin.

​Après, j’ai aussi l’impression que beaucoup de femmes continuent à se laisser draguer par des tas de mecs sur les applis même lorsqu’elles sortent déjà de façon récurrente avec quelqu’un (peut être même qu’elles pratiquent le multi-dating), une pratique que je trouve détestable et très toxique puisqu’elle empêche toute implication réelle dans la construction de la relation en cours… je suis même déjà tombé sur des meufs horribles qui m’ont dit que si j’acceptais pas de me faire ghoster ou d’être un prétendant parmi d’autres susceptible d’être évincé d’un instant à l’autre c’est que j’étais pas capable de vivre avec mon temps.

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Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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