Le Poudlard Express du love

L

Les protagonistes :

Jules, mon meilleur ami

Raphaël, son pote

Anna, la copine de Raph’

Laëtitia, ex-copine de Raph’

Coline, la soeur de Raph’

Moi, spectatrice intriguée

Je vais essayer de résumer les événements de cette histoire de manière factuelle. La plupart des faits m’ayant été rapportés, il est possible qu’il soient inexactes ou quelque peu édulcorés.


L’histoire

Raph’ sort avec Laëtitia depuis 7 ans. Un jour, il la demande en mariage. Elle accepte et tout roule. Finalement, un mois plus tard, elle se rétracte et quitte Raph’, qui essaie de la reconquérir en vain.

​Désespéré, Raph’ décide d’aller sur Happn pour recoller son coeur ébréché.

Le soir-même de la rupture, il tombe sur une fille qui ressemble à son ex, Laëtitia. Même blondeur candide, même yeux turquoise, même visage aux traits fins. Cette demoiselle s’appelle Anna. Enjoué, il commence à discuter avec elle pendant des heures. Trois jours plus tard, il la rencontre. À ce moment-là, il la décrit comme « une meilleure version de Laëtitia. » Il ne tarit pas d’éloges quant à Anna, la décrivant comme pleine d’initiatives et très indépendante.

Quatre mois après le début de cette nouvelle relation, Raph’ nous présente Anna. Elle paraît sympathique et avenante. Le seul souci étant l’exhibitionnisme flagrant du couple. Ils n’hésitent ainsi pas à s’embrasser pleine bouche devant Jules et moi. Raph’ fait la promotion d’Anna devant nous, comme si elle n’était pas là. « T’as vu comme elle est belle et drôle, magnifique ? » dit-il à Jules, régulièrement.

Un mois plus tard, avec Jules et d’autres personne, nous allons dîner chez Raph’. Arrivés dans le studio de Raph’, nous constatons immédiatement que des dizaines de paire d’yeux nous fixent, immobiles. En effet, une soixantaine de clichés représentant les deux tourtereaux sont posés ça et là, dans le studio. Jules remarque aussi qu’Anna semble avoir pris possession du dressing de Raph’, en effet, une tonne d’habits jonchent l’amoire de la chambre et des affaires de filles traînent ça et là dans la salle de bains. Entre nous, nous nous interrogeons sur la rapidité avec laquelle Raph’ a tourné la page de son histoire avec Laëtitia.

Les mois passent et Jules me raconte que Raph’ s’éloigne de lui. Qu’il n’arrive plus à le voir seul à seul. Chaque fois que Jules lui propose une bière, Raph’ se ramène au bar avec sa copine Anna ou d’autres copains. Que Raph’ n’a même jamais parlé de la rupture avec Laëtitia avec lui, comme si cela n’avait jamais existé. En fait, il élude chaque fois que Jules essaie de lui en parler. Mon meilleur pote constate aussi qu’Anna vit désormais chez Raph’.

Au cours de ces mois, la soeur de Raph’, Coline, tombe sur mon blog sur les relations amoureuses et m’écrit en me disant qu’elle s’inquiète de la fulgurance avec laquelle son frère est tombé amoureux d’Anna, qu’elle trouve qu’ils n’ont rien en commun, qu’elle ne le tire pas vers le haut.

Sept mois plus tard, Raph’ nous convie à l’anniversaire d’Anna, en région bordelaise. La fête est organisée chez les parents de Raph’, qui possèdent une superbe demeure près d’un vignoble et se poursuit avec quelques jours passés à chiller entre piscine et jacuzzi.

Lors de ce séjour, je constate tout de suite certaines choses :

​Anna semble extrêmement fatiguée.

Anna ne boit plus d’alcool.

Anna ne travaille pas depuis un an et ne semble pas se préoccuper de son avenir pro lorsque j’en discute avec elle.

Anna ne semble pas s’entendre avec la mère et la soeur de Raph’ et une tension plane dans les airs.

Anna a pris un peu de poids, notamment au ventre et aux seins.

Anna ne semble pas partager les passions de Raph’ qu’elle appelle « ses trucs-là ! » et a besoin de son attention constante ou encore d’être toujours assise à côté de lui.

​Immédiatement, je saisis qu’Anna est enceinte de Raph’. Lorsque je lui demande, un peu taquine, elle me répond par la négative.

Anna multiplie les maladresses. Lors d’une dîner, elle demande à Raph’ sérieusement « quand est-ce qu’il lui achètera un deuxième sac à main DIOR », devant sa soeur et sa mère, outrées.

Au cours d’une conversation, elle laisse également échapper qu’elle a emménagé chez lui au bout d’un mois. Raph’ avait pourtant dit à Jules qu’ils avaient décidé de vivre ensemble au bout de 3 mois et il la fait taire gentiment à la suite de cette révélation. « Chérie, t’es fatiguée, arrête de dire n’importe quoi tu veux ? »

​En tant que spectatrice, je remarque qu’Anna semble uniquement intéragir avec Raph’. Le reste du monde ne compte pas. Elle a beau être sympa et souriante, je remarque qu’elle ne s’intéresse pas vraiment à nous autres.

Durant le séjour, alors que je suis seule dans le patio, la soeur de Raph’ me confie ses doutes sur sa relation avec Anna. Très proche de son frère, elle m’explique qu’elle en est mécontente pour diverses raisons : elle n’a aucun atome crochu avec Anna, Anna vit aux crochets de Raph’ depuis des mois, elle est capricieuse et « femme-enfant ». Par ailleurs, la mère et le père de Raph’ ont essayé de connecter avec Anna aussi, en vain, elle ne s’intéresse à rien excepté lui. Elle pressent qu’Anna veut se faire engrosser et ne pas travailler et qu’elle coupe peu à peu Raph’ de sa famille et de ses amis. Elle semble désemparée.

Le séjour se termine sur quelques notes de tensions. La relation entre Anna et Raph’ semble étrange et déséquilibrée. Je me dis même qu’il y a de l’eau dans le gaz. Jules s’étonne de cette fille que Raph’ décrivait comme indépendante et pleine d’initiatives, cette fille qui fait une petite scène à Raph’ lors d’un dîner car elle ne voulait être assise « qu’à côté de lui » et personne d’autre.

Quelques jours plus tard, Raph’ m’écrit pour me remercier du cadeau fait pour Anna. Il m’explique également, à ma grande surprise, ses déboires avec sa famille.

​Selon lui, ses parents et sa soeur n’apprécieraient pas Anna parce qu’elle ne travaille pas et qu’elle ne provient pas du même milieu social que lui. J’essaie de lui expliquer que peut-être Anna a-t-elle donné des signaux négatifs à sa famille lors du séjour, par maladresse, et notamment l’exemple du sac DIOR.

​Raph’ lit mon message mais ne répond plus.

Une semaine passe. La soeur de Raph’ avec qui j’ai une relation amicale (basée sur notre amour indicible pour la littérature et les mots), m’appelle, dévastée. Elle m’explique qu’Anna a dévoilé à Raph’ qu’elle était enceinte, puis qu’ils se sont violemment disputés (le couple Anna et Raph’) car il n’a pas eu une réaction de bonheur escompté au départ, stressé par le caractère inattendu de l’événement. Puis qu’il a finalement accepté la grossesse de sa compagne. Il a ensuite annoncé la nouvelle à sa famille, sans Anna, qui ne souhaite plus voir celle-ci pour le moment en raison de mésententes récurrentes.

Ce même jour, Raph’ m’écrit soudainement pour m’annoncer à son tour qu’Anna est enceinte de 5 mois et qu’il partage cette bonne nouvelle avec moi. Il me précise qu’il ne l’a pas encore dit à Jules. Personnellement, je me demande pourquoi il me le dit à moi et pas à son ami de longue date. Je suis un peu perplexe quant à leur relation et cette grossesse soudaine, surtout au vu des confessions effectuées par sa soeur désemparée.

Là, je commets une faute.

​Ça me démange littéralement. Je sais que ça ne me regarde pas, mais je ne peux m’en empêcher. Je réponds à Raph’ gentiment, feignant la surprise, et avec toute la diplomatie du monde, je lui demande si tout va bien, que la précipitation de sa relation avec Anna paraît inquiétante vue de l’extérieur et qu’un bébé, et bien, c’est un lien pour la vie. Je précise toutefois que s’il est très heureux, alors tant mieux c’est rassurant, et je le félicite.

​Je serre les dents lorsque je reçois sa réponse acide. Raph’ me balance des atrocités, et notamment le fait que « tous ses amis sont heureux pour lui et qu’il n’a pas besoin de ma négativité ». Ayant conscience d’avoir mal fait, je tente de m’excuser, de lui expliquer qu’il s’agissait d’une inquiétude erronnée, etc. Mais rien n’y fait. Raph’ ne me répond plus.

Quelques jours plus tard, Jules écrit à Raph’ pour le féliciter mais ne reçoit pas de réponse.

​Il lui réecrit une semaine plus tard mais Raph’ demeure muet.

​Sa copine Anna me supprime des réseaux sociaux.

​Jules se désole de la vitesse à laquelle son ami semble l’avoir zappé, happé dans une relation un peu étrange.

​Et lui et moi, nous nous demandons comment cette histoire va se terminer.


Les questions

​Cette anecdote est fascinante tant elle soulève des interrogations sur la psychologie de l’amour et des individus.

​Elle m’a laissé quelques questionnements sur le bout de la langue.

Peut-on tomber amoureux de quelqu’un 24h après une rupture inattendue ?

Peut-on se conditionner à tomber amoureux de quelqu’un pour « s’auto-sauver » du choc d’une rupture douloureuse ?

Peut-on s’auto-convaincre que tout va bien dans son couple ou se contenter de ce que l’on a ?

Anna a-t-elle « piégé » Raph’, vulnérable pour se l’accaparer ?

Pourquoi Raph’ semble vouloir couper les ponts avec ses amis ?

Il est aussi intéressant de voir comme l’on peut projeter son propre modèle mental aux autres couples pour affirmer que ces couples vont mal ou sont sur la mauvaise voie.

Pour ma part, je considère qu’il faut qu’il y ait passions communes dans un couple, indépendance et équilibre. De ce fait, je considère la relation Anna/Raph’ comme bancale. Mais peut-être n’est-ce que ma vision des choses ? Pourquoi applique t-on toujours son propre modèle mental aux autres ?

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Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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