Extraits de Résilience

E

Introduction

C’est au cours de ma propre vie, de mes nombreuses expériences, pas toujours florissantes, que j’ai appris. Fascinée par la psychologie et les comportements humains, j’ai essayé d’analyser mes faits et gestes et la manière dont ils menaient à des « échecs » ou des résultats insatisfaisants au regard de mes espérances, mais aussi les conséquences de mes interactions avec les autres. J’ai décortiqué mes émotions pour pouvoir les gérer avec plus d’aisance, les mettre à distance sans pour autant les occulter, et éviter de me laisser submerger pour vivre « les maux du quotidien » avec plus de sérénité.

Ayant été une enfant sauvage et timide, qui peinait à aller vers mes pairs, je me suis longtemps sentie laide et différente.

Harcelée par mes camarades de classe pendant deux ans au collège, j’ai eu du mal à me réconcilier avec moi-même et mon image durant des années. Naturellement, je suis devenue une femme peu assurée, dont certaines personnes malveillantes ont profité.

Avide d’amour, j’ai été prête à tout pour être aimée, quitte à renier mes propres besoins.

Par désir de plaire, j’ai trop donné aux autres, sans relâche, jusqu’à m’épuiser.

J’ai été une femme qui doute, engluée dans sa propre culpabilité, celle d’exister.

J’ai souffert tant et tant, que j’ai voulu mourir parfois.

J’ai cru ne jamais me relever, ne jamais guérir de certaines blessures, des rejets successifs, des déceptions acerbes, ou certaines ruptures amoureuses qui me semblaient alors insurmontables.

J’ai cru à la fatalité et à l’immuabilité de certaines choses, que rien ne changerait jamais et que je resterai cette femme fragile pour l’éternité, piétinée par ses pairs, mal aimée, et que, peut-être étais-je abîmée pour toujours ?

Et puis j’ai mis le doigt sur mes « failles » et leurs conséquences : des schémas répétitifs, de l’auto-sabotage, de la dévalorisation de soi. J’ai pris du recul, j’ai analysé.

J’ai pris soin de moi.

Je me suis endurcie.

J’ai commencé à m’aimer.

Et ainsi est venu le désir de partager mes expériences.

Aimer, c’est accepter les incertitudes.

Est-ce que cette personne ressent ce que je ressens ?

Est-ce qu’elle m’aime autant que je l’aime ?

Est-ce qu’elle pense du bien de moi ?

Est-ce qu’elle me décevra ?

Me blessera ?

Restera-t-elle à mes côtés ?

Suis-je à la hauteur ?

Le serais-je dans un an ou dans cinq ans ?

Et si cette personne me clamait son amour, mais pensait en réalité l’inverse ?

Et si cette personne me mentait ?

Pendant des années, le début de relation a été pour moi une souffrance absolue. Ce moment pendant lequel tout est encore incertain, avec cette impression terrible de se trouver près d’un précipice sur le seuil duquel la terre s’effrite. Soit on saute, on prend le risque : on accepte l’incertitude, la peur du futur, la peur de se montrer tel que l’on est, la peur de souffrir, d’être blessé, d’être déçu. Soit on passe son chemin. Personnellement, je craignais tant de souffrir que je préférais couper court à la relation. Et après, je m’en mordais les doigts, parce que je me disais que j’étais probablement passée à côté de quelque chose. La question « Et si… ? » me hantait.

Lorsque j’étais lycéenne, j’ai rencontré Jean-Emmanuel. Nous avons eu un coup de foudre. Je me sentais vraiment très heureuse, comme si j’étais constamment en train de marcher, ou plutôt de flotter sur un nuage. Notre histoire évoluait favorablement, tout se passait bien. Au bout de deux mois, j’ai commencé à ressentir un éloignement de sa part. Lors des récréations, il m’apercevait parfois du coin de l’œil, mais ne venait plus me solliciter. Il m’écrivait moins. J’ai pris peur, alors… je l’ai quitté. Moins de vingt-quatre heures plus tard, j’ai réalisé mon erreur : je l’avais quitté parce que j’étais morte de trouille. Mais en fait, ce que je redoutais se produisait. Non seulement, j’avais mal. Mais en plus, j’avais tout saboté pour rien et lui, dévasté, tombait des nues. En réalité, Jean-Emmanuel ne s’éloignait pas, il avait confiance en notre relation qui prenait son rythme de croisière. J’ai compris plus tard que je n’avais pas réussi à assumer les doutes et le risque qu’une histoire naissante peut engendrer. 

Parce que l’amour implique souvent de se mettre à nu et de vivre avec l’incertitude, l’accepter, c’est se libérer de cette angoisse et se concentrer sur ce qui est réellement important : la relation elle-même et les moments partagés.

Accepter l’incertitude, c’est accepter que les choses puissent changer à tout moment.

C’est accepter que l’autre personne ait des besoins, des émotions différents des tiens.

C’est accepter que tu ne puisses pas tout contrôler.

C’est accepter que l’histoire puisse évoluer, mais aussi que les premiers sentiments puissent s’étioler au lieu de croître.

C’est accepter de lâcher prise.

C’est accepter que cette personne que tu côtoies n’a rien à voir avec tes histoires passées et n’est pas semblable à ceux et celles qui t’ont fait du mal.

Peut-être est-ce justement l’imprévisibilité qui rend une histoire si spéciale et lui confère sa magie. Si tout était écrit d’avance, ne sombrerait-on pas dans l’ennui ?

Alors, si comme moi, tu souffres de ce que j’appelle une hypocondrie amoureuse, si comme moi, tu as si peur que tu traques dès le début le moindre signe de fragilité, la faille la plus infime pour pouvoir te dérober et fuir, serres les dents, apprends à lâcher prise, fais confiance à ton ou ta partenaire et surtout, fais-toi confiance et remémore-toi tes qualités et le fait que, si cette personne t’a choisi et si tu l’as également choisi, il ne s’agit pas d’un hasard…

Tout ira bien.

Et si tout ne se déroule pas comme prévu, ce n’est pas grave.

C’est que ça ne devait peut-être pas arriver. 

Des mois en fusion. Des jours d’extase. S’effleurer pour se brûler. L’entremêlement des odeurs. Les empreintes des caresses. Et puis, la chute.

Parfois, la personne que tu considères comme ton univers n’est qu’une étoile filante. Elle illumine ton ciel un instant, avant de te laisser fragments et poussières.

« Ce n’est pas toi, c’est moi ».

L’excuse inepte avec laquelle on m’a poignardée tant de fois.

C’est universel, les rejets, les abandons et la « fin » esquintent toujours le cœur. Pour ma part, quand je suis éconduite sans qu’il n’y ait vraiment de raison tangible (un défaut vraiment rédhibitoire, un comportement inacceptable), et cela arrive, j’essaie de ne pas le prendre personnellement.

Je songe aux personnes que j’ai moi-même repoussées sans pouvoir mettre le doigt sur la cause précise de mon manque d’attrait.

Je me souviens de cet homme que j’avais rencontré sur une application. Sur le papier, Jérôme avait tout pour me plaire. Vraiment tout. Je le trouvais beau, intelligent, passionnant même. Les discussions étaient riches et profondes, il était poli, respectueux. En bref, je n’avais rien à redire. Et pourtant, il me laissait indifférente, sans que je ne puisse l’expliquer de manière rationnelle.

Parfois, on ne veut pas être avec quelqu’un sans que le refus ne soit motivé par un trait de caractère ou un physique répulsif.

Alors si tu vis cette situation, ce qu’il faut retenir, souligner, te répéter et intérioriser, c’est que :

  • Le problème ne vient pas de toi.
  • Inutile de te remettre en question.
  • Tu n’as pas à modifier quoi que ce soit chez toi.

Ce n’est pas toi.

C’est l’autre.

La fin. Ressasser ce qu’on aurait aimé lui dire. Se le formuler intérieurement. Rédiger un e-mail, un texto. Étoffer chaque phrase. Effacer.

Qui parviendra à ouvrir mon cœur sans le briser ?

Mourir d’envie de lui écrire alors qu’on a été bafoué. Juste pour assouvir le manque. Céder ou conserver sa dignité ?

Tant de fois, j’ai voulu écrire à quelqu’un qui m’avait pourtant fait du mal.

Je me retenais.

Je pianotais sur mon clavier, puis j’effaçais à la hâte.

Je résistais.

Puis parfois, je craquais.

Et je m’en voulais terriblement, convaincue que j’avais enterré ma propre dignité et que je me ridiculisais.

J’avais bien conscience de la toxicité de cette personne, mais je m’étais attachée.

Et j’étais faible parce que j’étais amoureuse.

Même si par la suite, j’ai compris que l’amour sain n’affaiblit pas, il galvanise, il propulse, il donne de la force.

Pour avoir analysé ce besoin d’écrire à l’autre, une démangeaison irrépressible, il me semble qu’il y a deux types de situation.

Celles où il apparaît nécessaire de conserver sa dignité et de se protéger, et les autres.

Conserver sa dignité et se protéger, c’est ne pas céder face à quelqu’un qui nous a fait du mal ou nous a manqué de respect. C’est ne pas replonger « dans la gueule du loup ».

Mais à quel prix ?

Faut-il conserver sa dignité lorsque la curiosité nous dévore ? Lorsque le besoin de « vider son sac » nous lancine ? Lorsque le souvenir nous hante ?

Ou crever l’abcès qui gonfle le cœur, qui l’alourdit ?

Peut-on vraiment faire preuve de raison lorsqu’on est encore amoureux.se ?

Longtemps, j’ai cru que je devais demeurer fière, coûte que coûte, puis j’ai compris qu’il convient simplement… de s’écouter pour s’apaiser.

Si tu n’arrives pas à avancer, si tu as besoin de dire les choses : fais-le.

Si tu cèdes une seule fois après avoir résisté pendant des semaines, ne te blâme pas.

Résiste et considère cette inflexibilité comme une victoire, tout en sachant que peut-être arrivera un moment de faiblesse au cours duquel tu céderas.

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Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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