Les mecs et les apps de rencontre

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Ça commence un soir, dans le métro…

La non-rencontre entre Pierre et moi

Un soir, je rentre de la Défense. Ligne 6, Charles-de-Gaulle Étoile.

Le vieux métro tout décrépi arrive, je m’infiltre et prends place dans un carré de sièges. Quelques stations plus tard, un jeune homme rentre et s’assoit sur la banquette qui se trouve de l’autre côté de la rame. D’un oeil torve, je le regarde discrètement. Il me regarde aussi.

Un jeu d’oeillades plein d’adrénaline s’installe et égaye ce trajet monotone. Puis, je le vois scroller l’écran de son iPhone. Secrètement, je prie pour qu’il soit en train de vérifier si je suis sur Happn, une application de rencontres qui permet de « retrouver qui vous croisez ».

Il descend du métro à Sèvres-Lecourbe. Sa silhouette se dissout sur le quai de la ligne aérienne, la déception m’envahit. Nous n’avons pas eu le temps d’échanger. Moi qui m’imaginais qu’il allait descendre à la même station que moi et m’aborder, c’est raté.

Arrivée dans mon studio, petit cocon face à la Tour Montparnasse, je me reconnecte sur l’application Happn et surprise, j’ai un « Crush » avec Pierre, l’individu du métro !

Nous commençons à discuter via le tchat. Il me propose d’aller boire un verre mais nos emplois du temps ne coïncident pas. Finalement, on se déchauffe tous les deux et le temps passe.


J’emménage à Aix-en-Provence quelques mois plus tard.

Un an et demi défile. Un jour d’octobre un peu maussade, perdue dans les méandres des clichés laqués d’Insta, je tombe sur une photo de lui. Je décide de le recontacter pour rattraper notre date manqué et de tâter le terrain afin de savoir s’il est toujours célib’…

La conversation virtuelle reprend et nous convenons d’aller prendre un verre prochainement.

La semaine passe et dans un coin de ma tête, en arrière-plan, j’attends le créneau que va me proposer Pierre pour entrechoquer nos verres. Sachant que j’ai proposé, j’estime que l’intérêt doit être mutuel et que c’est à lui de me communiquer ses dates. Mais deux semaines filent et il ne se passe rien. Pourtant, Pierre like tous mes clichés sur Instagram, donc il n’a pas pu m’oublier. Et puis un soir, aux alentours de 22 heures, je reçois un texto. son nom s’affiche sur mon écran. Surprise, je déverrouille mon Smartphone.

« Hey, ça te dit de passer chez moi maintenant ? ».

Dépitée d’avoir toujours ce sentiment d’être un corps, baisable et rien d’autre, je lui envoie une réponse incendiaire.


Quelques années plus tard, Pierre réagit à un de mes posts Instagram et une discussion platonique s’ensuit. Comme il me parle de son rapport aux applications de rencontres, je décide de le laisser me livrer ses impressions sur les rapports homme-femme sur les apps et les travers/bienfaits qu’elle génèrent.

Pierre et son rapport aux apps de rencontre

Pierre : J’ai passé 9 ans sur les apps de rencontres… Tu frappes donc à la bonne porte.

Les occasions de faire des rencontres

En fait les occasions sont devenues de plus en plus rares de faire des rencontres. Au travail, pas beaucoup de filles, en soirée, soit c’est toujours un peu le même groupe d’amis et dans les bars / boîtes c’est souvent l’histoire d’une nuit, enfin si on s’en souvient le lendemain…

La rencontre fortuite, dans la rue par exemple, reste assez rare.

On est devenus de plus en plus exigeants et en même temps on ne veut pas faire d’efforts.

Personnellement, je vois rapidement si je tombe sur une fille avec qui ça peut coller et si j’envisage du sérieux. Et là, je prends mon temps.. Ça dure ce que ça dure ensuite.

Je sais tout de suite si ça peut être juste une relation éphémère, courte… Dans ce cas-là c’est pas grave, si on se plaît physiquement, tant mieux, on en profite, il n’y a rien de mal… Ça n’empêche pas de vouloir chercher une relation sérieuse.

Moi : Comment sais-tu si ça va être une relation légère ou plus ? Quels sont tes « critères » ?

Pierre : Je vois tout de suite si c’est une fille que j’aimerais présenter à mes potes, mes parents… Ou si c’est juste pour une nuit ou rien. Plusieurs critères : le physique bien sûr mais aussi la situation professionnelle, niveau d’études, caractère et ce qui est important pour moi, je ne me mettrai jamais en couple avec une fille qui a déjà des enfants.

Il y a des filles sympas parfois mais un peu bêtes, ou superficielles, je sais que ça collera pas sur du long terme mais ce n’est pas une raison pour ne pas en profiter pour une nuit. Et généralement je le sais plus ou moins à l’avance avant de la rencontrer. Par exemple, une fille qui envoie des photos vulgaires, très suggestives : je sais déjà que ce sera pas très sérieux.

La question du sérieux

Si on ne trouve pas tout de suite du sérieux, faut pas s’interdire une relation d’une nuit non plus.

Après c’est sur avec les apps, ça perd de la magie, c’est pas très naturel.

Parfois je ne fais même pas l’effort d’aller dans un bar. J’invite direct chez moi ou l’inverse ou à l’hôtel.

Et je peux te dire qu’il y a beaucoup de filles qui reçoivent chez elle pour un premier rendez-vous sans avoir vu la personne. J’ai parcouru tout Paris haha.

Après c’est quand même cool, tu fais des rencontres que tu ne pourrais pas forcément faire dans la vraie vie car pas au même endroit, pas le temps, pas envie de draguer…

La magie de la fonction géolocalisation de Tinder

Le top c’est la fonction de geolocalisation de Tinder… C’est incroyable.

Tu te localises avant de partir à l’endroit de tes vacances à venir… Et là t’es même pas dans l’avion que t’as déjà des dates sur place… sans forcer.

En tout cas moi ça me fait de sacrés souvenirs et anecdotes. Je trouve ça plutôt cool et au final toutes mes dernières relations sérieuses se sont faites grâce aux apps.

Les filles sur les apps ?

Moi : Que dirais-tu des femmes sur les apps de rencontre ? Cherchent-elles pour la plupart, uniquement du sérieux, à l’instar de Léa, interviewée dans un article précédent ?

Pierre : Au final je pense que les filles sont comme les mecs voire pires…

Je pense que beaucoup de filles sont sur les apps de rencontres pour le sexe. Là-dessus, les hommes ne sont pas pires. C’est très facile de convaincre une fille d’aller directement chez elle ou à l’hôtel, parfois elles proposent elles mêmes. Et elles consomment autant que nous. Les hommes sont sûrement plus directs et brut de pomme oui, mais au final certaines ont la dalle aussi, mais elle ne le disent pas.

Pour moi, finalement, il y a beaucoup de positif aux apps de rencontres.

Le positif des apps de rencontre

Maintenant j’ai des « contacts » dans le monde entier, ça aurait été impossible sans les apps. Il ne faut pas voir que le côté négatif, les contraintes, les risques, les mauvaises habitudes … Mais aussi les fabuleuses opportunités. Je suis parti souvent en vacances tout seul et j’ai rencontré des filles locales sur les apps, ça fait partie de mes meilleurs souvenirs de vacances.

Bref, il ne faut pas tout centrer sur la recherche de l’amour, du sérieux à tout prix. Juste passer un bon moment plus ou moins court, c’est déjà pas si mal.

Parfois je me dis que je devrais écrire aussi un livre… Car j’ai dû faire pas moins de 300 rencards ! (rires)

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Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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