Bombe

B

Autofiction

Prologue

À huit ans, j’ai participé à un concours de beauté qui visait à élire la nouvelle mini-miss Téteghem 1997.  Je ne connaissais pas la signification du mot « beauté ». Je me suis contentée d’obéir, d’arpenter la scène lorsqu’on me le demandait. Tandis que j’effectuai un tour sur moi-même, j’ignorais qu’on me scrutait. L’on étudiait ce corps d’enfant, ces cuisses maigres sur lesquelles le duvet fleurissait, ces lignes droites d’os qui s’élargiraient un jour pour être renommées « hanches », ces fesses plates qui se développeraient et attesteraient de ma féminité et même de ma « baisabilité ».

     J’avais ensuite onze ans lorsqu’on a examiné mes traits avec attention pour me plaquer face au constat de ma laideur.

« Moche ».

     Cette affirmation, je l’ai érigée en vérité, et je l’ai revêtu sur mes épaules, comme un voile dont on se drape. Et le regard des autres est devenu une prison. Un labyrinthe duquel je heurte encore les murs, incapable de trouver la sortie, errant pour l’éternité à la poursuite d’un mirage : celui de la beauté éternelle. Labyrinthe ou peut-être maison des miroirs ? À la recherche de ce reflet qui m’échappe sans cesse, comme Peter Pan traque son ombre, incapable de comprendre qu’elle est insaisissable.

     C’est l’histoire d’une quête. La quête d’une perfection physique irrécusable. C’est aussi l’histoire d’une obsession dirigée vers un nez autrefois aquilin, plongeant, aujourd’hui raboté, conformément aux standards de beauté. C’est l’histoire d’une beauté à peine atteinte et déjà sur le point de se gâter. Les sillons qui creusent des parenthèses sur mon visage seront comblées une fois, puis deux par an. Et après ? Et après, jusqu’où irais-je pour retrouver cette fraîcheur, cette jeunesse que je tente de rattraper, en vain ? Comme s’il suffisait de se retourner et d’empoigner les années passées pour tendre les plis du visage, recouvrir les traces de ces drames et de ces chagrins, de cette fatigue accumulée, de la vie qui s’écoule, impitoyable.

     Un jour, je serai cette femme trop fardée, aux pommettes proéminentes, aux lèvres démesurées, figées dans une perpétuelle moue boudeuse. À la peau si tendue qu’elle semble sur le point de se déchirer. Cette femme qui se révolte avec trop de véhémence contre sa propre mortalité, contre la dégénérescence qui se profile et qui ne parvient plus à sortir du labyrinthe, inconsciente qu’elle a fini par devenir le monstre, le Minotaure.

     Si je ne me défais pas de la geôle de ces diktats, de ces exemples que l’on nous expose sans arrêt, dans la rue, à la télévision, dans les films, les séries, sur les réseaux sociaux, les publicités.

La suite dans le Chapitre 1.

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Hanna Anthony

Alors que j'ai été une adolescente solitaire, la pratique de l'écriture m'a sauvée.

À 12 ans, j'ai rédigé ma première nouvelle sur l'ordinateur familial. Par la suite, je publiais régulièrement mes textes sur un blog. J'ai ensuite tardé à me lancer dans le roman, persuadée que je n'étais pas légitime à construire une structure narrative et des personnages forts.

En 2019, l'école d'écriture Les mots a lancé un concours auquel j'ai participé avec un texte très moderne sur les amours contemporaines. Les liaisons factices a figuré parmi les lauréats du concours. Un an plus tard, il a été publié dans une petite maison d'édition et vendu à 800 exemplaires.

J'ai également vendu mon propre recueil de textes en auto-édition, en moins de deux mois, plus de 500 exemplaires ont été écoulés.

Particulièrement intéressée par le genre du roman contemporain, j'ai fait évoluer mon écriture dans le cadre d'ateliers, notamment avec Chloé Delaume et Lolita Pille. J'ai affiné mon style, que je considère aujourd'hui comme inspiré de Delphine de Vigan et de Karine Tuil.

Je possède aussi un compte Instagram de mots, @relation_textuelle, suivi par plus de 40 000 personnes.

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anthonyhanna760@gmail.com